Un léger crachin tombait sur la ville de Londres. La nuit était tombée depuis longtemps déjà, les rues étaient désertes, chacun avait regagné la réconfortante chaleur de son foyer. Dans l'ombre d'une ruelle, une figure encapuchonnée apparue subitement, sortant de nulle part. En sentant quelques gouttes atterrir malgré tout sur son visage, le nouvel arrivant dissimula encore un peu plus ses traits. Sortant sa baguette magique, il la pointa directement sur l'un des lampadaires qui éclairaient faiblement la venelle. Une seconde plus tard, l'obscurité avait regagné la rue. Il quitta la ruelle, pressent le pas en entendant le miaulement craintif d'un chat de gouttière derrière lui. Il n'aimait pas se retrouver seul dans la ville de Londres. Il craignait toujours les mauvaises rencontres, les explications laborieuses qui s'en suivraient s'il devait expliquer sa présence ici au beau milieu de la nuit. Ainsi, il tendait l'oreille, à l'affût du moindre bruit sortant de l'ordinaire. Mais hormis le son de ses pas martelant le pavé humide et le lointain bourdonnement de la circulation, il lui semblait qu'il était seul. Ne relâchant pas son attention pour autant, il poursuivit son chemin. Quelques rues plus loin, il aperçu enfin la grande bâtisse en brique rouge où il avait rendez vous ce soir là. Instinctivement, il s'arrêta quelques secondes pour regarder si rien d'inhabituel ne se déroulait derrière les fenêtres de la maison. Rassuré, il avança de nouveau. Sa main eut à peine effleuré la porte que déjà, un sorcier venait ouvrir, un sourire aimable sur le visage, ne parvenant pas à cacher l'inquiétude qui semblait le ronger. Il s'effaça pour laisser passer son invité, se saisit de son manteau, et l'accrocha au côté de quelques autres tout aussi humides. « Tu n'as pas eu de problèmes pour venir Eleazar? » « Non, c'est plus calme que je ne l'aurais cru, dehors. » Les deux hommes se terrèrent alors dans un silence gêné. Cette réunion imprévue avait bouleversé leurs plans. En réalité, ça n'était pas tant la réunion en elle même que les évènements qui l'avaient déclenché. Ils ignoraient encore les répercutions qui s'en suivraient, mais il n'était pas bien difficile de s'en faire une idée. Eleazar avait du s'éclipser de chez lui en toute hâte, prétextant une urgence au travail, un sortilège qui nécessitait son expertise immédiate. Il ne pouvait naturellement pas avouer la vérité à la femme qui partageait sa vie. Lui avouer qu'il faisait parti de l'Ordre du Phoenix aurait été dénué de bon sens. Elle fermait les yeux sur bon nombre de ses travers, il en faisait autant pour elle. Ils venaient de deux mondes différents, espéraient naïvement que les choses pourraient marcher entre eux, qu'ils auraient un jour l'occasion de montrer leur amour au grand jour. Mais si sa fiancée lui cachait autant de chose que ce qu'Eleazar se refusait à lui dire, alors ils étaient encore deux étrangers l'un pour l'autre.
Emboîtant le pas de l'autre sorcier, Eleazar arriva dans un grand salon où l'attendaient une poignée d'autres enchanteurs. L'un d'entre eux tendit un verre à leur nouveau camarade, du wisky pur feu que le jeune homme but d'une traite, laissant l'alcool le réchauffer de l'intérieur. S'installant près de la cheminée, il ne put que constater qu'autour de lui, le silence était à son comble. Personne n'osait parler, de peur d'exprimer tout haut des peurs que tous partageaient en cet instant. « Ils nous accusent d'avoir causé l'incident de Poudlard. » Une voix avait brusquement brisé le silence, s'en allant tailler droit dans le vif du sujet, sans plus de cérémonie. Les autres sorciers s'étaient tous retournés vers leur hôte, celui là même qui venait de faire cette annonce qui résonnait tristement aux oreilles de chacun. Il n'y avait rien de nouveau dans cette simple phrase. Tous savaient précisément quelle était la raison de leur venue ici au beau milieu de la nuit. Quelques membres de l'Ordre du Phoenix rassemblaient là, prêts à préparer la contre attaque, à subir de plein fouet le mépris d'une société qui pensait injustement qu'ils étaient, comme les nés moldus qu'ils défendaient, la cause de tous leurs maux. Poudlard était tombée sous les coups d'une terrible explosions. Ici, on ne pensait pas seulement aux enfants de sang mêlés qui avaient péri dans la tragédie. Même les sang purs avaient eu droit à une minute de recueillement. Après tout, qu'importe leurs origines, ils n'étaient que des enfants, et il eut été injuste de les condamner à la place de leurs parents. Pourtant, c'était exactement ce qui venait de se passer cette nuit là. C'était la raison pour laquelle Eleazar avait du s'extirper de chez lui en pleine nuit, ajouter un mensonge à la longue liste de tromperies du même genre qu'il avait déjà trouvé pour quitter sa fiancée sans avoir à donner trop d'explications. L'Ordre du Phoenix était au bord du gouffre. Dès le lendemain, les journaux propageraient la nouvelle, l'opinion public serait ligué contre eux, et les raffleurs seraient encore plus enclin à faire du zèle pour coincer les rebelles et leurs alliés. Eleazar se savait dans une position délicate, comme tout ceux qui se trouvaient dans cette pièce, et les autres membres de l'Ordre. Mais ça n'était pas tant pour sa vie que pour celle de Beryl qu'il craignait le plus. En acceptant de vivre une romance avec lui, elle s'était exposée à des dangers qu'elle n'aurait jamais eu à redouter sans cela. Prendre le risque d'être découvert était quelque chose qu'Eleazar ne prenait pas à la légère. Il redoutait le jour où cela viendrait à se produire. Il craignait que sa famille ne comprenne pas, ou que celle de sa compagne n'en réagisse que plus durement encore. Et en ces temps où la situation se faisait plus critique que jamais, Eleazar allait devoir redoubler de prudence pour s'assurer que son activité secrète ne mette pas en péril la vie de celle qu'il aimait.
« Ce n'est pas nous, n'est ce pas? » Une sorcière à la mine cadavérique venait de sortir Eleazar de ses sombres pensées. Elle avait des difficultés à articuler, visiblement sous le choc de l'évènement qui venait de secouer le monde magique. « Non, Hestia. Bien sûr que non. Mais à présent, ils pourront nous traquer sans se soucier des conséquences. Nous sommes les ennemis publics n°1 désormais. » Personne ne dit mot. Personne n'osait regarder son voisin, craignant sans doute d'y lire la peur dans ses yeux, une peur partagée par l'ensemble de cette assemblée. Eleazar se servit un nouveau verre, la main tremblante. Alors qu'il s'humecta les lèvres dans l'alcool, il plongea son regard inquiet en direction du feu qui brûlait dans la cheminée. Les conversations durèrent encore longtemps, ce soir là. Aux premières lueurs de l'aube, chacun se serra la main, ignorant si le sort voulait qu'ils se revoient un jour. L'Ordre pouvait désormais tomber à tout instant. Eleazar prit congé de ses frères d'armes. Et tandis qu'il s'enfonçait dans le brouillard qui avait succédé à la pluie, il transplana. Il avait assez fréquenté Londres pour ce soir.
Quand il réapparu, à des centaines de kilomètres de là, il se trouvait juste en face de chez lui. Il rentra dans sa maison de Godric Hollow, ôta ses vêtements et se glissa sous les draps, tentant de ne pas réveiller une Beryl assoupie à ses côtés, qui n'avait pas remarqué son retour. Incapable de trouver le sommeil, il se contenta de fixer le plafond, profitant des dernières minutes de calme avant que la tempête ne vienne à se lever.