« The empty hours tick by,
I am all alone, aren't I ? »

La lune ronde brillait au dessus du lugubre décor. Le cimetière, lieux de repos des âmes trépassées, était le refuge d’une blonde vêtue de noir, se fondant dans l’obscurité, la blondeur de ses cheveux paraissant tel l’argent et la pâleur de sa peau faisant ressortir la tristesse de son regard. Errer entre les tombes ne la mènerait à rien, Ariane le savait, car son défunt frère n’avait pas droit à ce repos, il avait tout simplement disparu, volatilisé, sans que plus personne n’ose prononcer son nom entre les murs du manoir familial. Les Carrow tenaient pour secret l’envol du frère. Elle n’était plus que prisonnière du Destin, liée à un Selwyn dont elle exécrait chaque expression. Son sourire insolent lui donnait de l’urticaire.. et dire qu’elle allait devoir passer son existence avec ce salaud dont chaque pore de son épiderme désirait la proximité. Soupir mélancolique de la sorcière fantomatique qui slalomait dans les allées à la recherche d’un souvenir, du passé. Aslander avait osé s’évaporer, sans un adieu, rien, alors qu’elle était sa jumelle, sa moitié, ils avaient toujours été le tout d’un être, mieux qu’Hermaphrodite, plus complémentaires que le l’astre céleste et ses nuages.

Un craquement de branche lui fait lever le visage vers le bout de l’allée. Godric’s Hollow, pourquoi s’était-elle pointée si loin de Londres ? Pour fuir la réalité, être certaine que cet enfoiré de Selwyn ne la retrouve pas. Kidnappeur de son corps, de son cœur. Un jour, elle le tuerait. Un jour. Pour l’heure, elle agrippait le bois sombre de sa baguette, pointait le filet lumineux vers la silhouette brusquement apparue. Sentiment de déjà vu, lien reformé. Est-ce une hallucination ? Rêve-t-elle ? Cauchemarde-t-elle ? La brume couvre la silhouette mais elle le reconnaîtrait même dans le noir le plus complet. Comment pouvait-il se trouver là ? Figée d’horreur, elle se demande de longues minutes ce qu’elle doit faire. Un pas, deux.. lents, puis plus rapides. « Aslander. » Le souffle exprime le trouble comme une rage indescriptible. Elle a autant envie de se jeter à son cou que de l’étriper. Lui arrache les viscère, le saigner jusqu’à ce que mort s’en suive. « Comment .. comment as-tu osé ?! »

Il se retrouve la baguette sous le menton, cette baguette parfaitement identique à la sienne. Jumelles. Même les baguettes sont jumelles. Et les Patronus identiques. Tout était fait pour sans cesse lui rappeler l’absence de ce frère qui dont l’irresponsabilité l’hérissait. Peut-être avait-elle vieilli entre temps ? Peut-être avait-elle grandi subitement, en se retrouvant livrée à elle-même ? Vendue.. vendue comme l’on vendrait une chienne, elle s’était assombrie. Son regard toujours tendre à son égard se faisait aussi dur, tranchant que la glace de l’iceberg ayant coulé le Titanic. « Pourquoi tu m’as laissée ? Je te croyais mort ! Tu.. salaud ! » C’est la colère qui domine pourtant elle abaisse sa baguette et le prend dans ses bras, le serre contre elle, de toutes ses forces, à l’instar d’une désespérée. Roméo et Juliette n’auraient pas mieux fait, mais eux n’étaient pas frère et sœur. « Imbécile.. » Une insulte tendrement acide. Je t’aime exprime-t-elle avec toute la maladresse du monde. Les Carrow, vraiment pas doués pour les sentiments.

❝ carrincest.

Maman n’arrêtait pas de parler. Voilà la seule chose qui traversait l’esprit d’Aslander qui, modèle de savoir-vivre et de politesse, ne disait rien. Confortement assis dans un voltaire de la résidence londonienne, il faisait mine de boire les paroles de sa génitrice à grands coups de « oui, oui », de hochements de la tête et de « ooh ! » enthousiastes. Finalement, la génitrice des affreux jumeaux Carrow lui annonça la nouvelle : il était fiancé. Il hocha la tête sérieusement, ne se rendant certainement pas compte de l’ampleur de la chose ou, plus simplement, n’en ayant strictement rien à foutre. « Et sinon, Mère, elle est où Arya ? » Laurence s’attendait sûrement à ce qu’il prenne des nouvelles de James ou de Thaddeus mais, en cet instant précis, Aslander ne songeait qu’à sa sœur. Ariane. Un peu plus que sa moitié, un peu moins que son tout même si, sans elle, tout était rien. « A Godric’s Hollow. Elle se recueille. » Elle avait dû perdre quelqu’un de cher. « Vous lui avez communiqué les lettres que je vous avais envoyé ? » demanda-t-il finalement, après un silence respectueux des pensées du jeune homme. « Aslander… tu n’as pas envoyé de lettres. » Il les avait écrites, pourtant ! Mais à chaque fois, quelque chose semblait le détourner de sa tâche. Le terme quelque chose incluait les jolies filles et les étoiles filantes. Autant avouer tout de suite qu’Aslander était du genre distrait. « Ah oui, c’est vrai. » Sans un mot – Laurence n’en avait pas besoin pour percevoir ses intentions – il se leva, enfila un manteau et transplana, ni plus ni moins.

Les mains profondément enfoncées dans les poche, il avançait, résolu et attentif à chacun de ses pas, cherchant d’un regard trop bleu une silhouette trop familière, trop semblable. Elle est là. Il le sait. Forme sans forme, silhouette sans limites, nuage flou. Nuage flou mais proche. Elle a une baguette, la jumelle de la sienne, qui dégage un halo de lumière, un havre de luminosité dans une nuit noire comme les tréfonds de l’Enfer. Lui il reste là, mains dans les poches, à la regarder, levant une main pâle devant ses yeux quand elle pointe le rosier vers lui. Il attend. Il ne sait pas quoi faire, essaie de la détailler en dépit de l’obscurité – impossible. Elle est loin, il fait sombre, il a froid – tout cela contribue au fait qu’il attend, pointe d’impatience décelée au creux du cœur, sourire moqueur flottant sur les lèvres. Elle s’approche, finalement, d’abord hésitante et puis, bien évidemment, ardente. « Aslander. » Il a des problèmes. De gros problèmes. Le chewing-gum tourne une fois dans un sens, deux dans l’autre. Il hésite, clairement. Il a des problèmes. Il pourrait transplaner sur le champ, retourner se cacher sous le lit pour retarder l’échéance mais non. Non, il ne peut pas attendre une seconde de plus loin de sa moitié. Alors il répond, bien évidemment : « Ariane. » Inutile de préciser que si, elle, lâche le prénom dans un souffle paradoxal, trouble et rage, lui n’exprime qu’un amusement sans fin et si elle s’était approchée en cet instant, elle aurait vu la malice pétiller dans ses yeux. « Comment .. comment as-tu osé ?! » De gros gros problèmes, je vous dis.

Il a reculé d’un pas, prudent, grimace aveuglée lui illuminant le visage. La baguette de la jeune femme vient trouver l’endroit sensible qu’est sous son menton, loin de son champ de vision, assez proche de lui pour lui éclater à la gueule si il ose faire un trait d’esprit. A sa grande joie (car contrairement à ce que l’on pourrait croire, si, Aslander pouvait comprendre certaines choses), elle ne pouvait pas lui lancer de sortilège. Sa propre baguette répliquerait et ils finiraient mal tout le deux. Le meilleur, c’était qu’elle le menaçait avec un vulgaire bout de bois. Qui n’avait que l’utilité d’un bout de bois. C’est pour ça que la grimace aveuglée s’est transformée en sourire amusé, éternellement supérieur, pas impression pour un sou. « Pourquoi tu m’as laissée ? Je te croyais mort ! Tu.. salaud ! » Il est sur le point de lui faire remarquer qu’elle a oublié un verbe entre « tu » et « salaud » mais elle pointe toujours sa baguette vers lui. Ariane pourrait la lui enfoncer dans la gorge et cette idée rebute le brun. Elle abaisse le morceau de bois, le prend dans ses bras et, aussitôt, il répond à cette étreinte machinalement. Il la serre contre lui, niche son nez dans les cheveux blonds de la jeune femme. Odeur caractéristique, rassurante et familière. La maison. Ariane. Sa moitié. « Imbécile.. » Puis il répond, gorge nouée : « Moi aussi. » en réponse à sa déclaration muette. Pas besoin de vrais mots. Ils sont jumeaux.

Il s’écarte, ses mains se posent sur ses épaules et il la regarde ainsi, la détaillant à bout de bras et avec un plaisir évident. S’il a pris des couleurs, le délicieux teint de la personne restée longuement au soleil, elle est restée fidèle à elle-même : princesse des glaces blonde au regard océan. Il sourit largement, heureux de la retrouver, heureux d’être là. « T’as grossi. » il dit, comme si c’était la chose la plus joyeuse du monde – alors que c’est le mensonge le plus foireux du monde. De haut en bas, de bas en haut. Il s’avère satisfait et la libère, après une inspection minutieuse du propriétaire. « Tu m’as manqué. » Sincérité. Ton peu employé chez les Carrow, dans le monde à cette époque. Sourire satisfait, un autre. Il est content d’être là. Qu’elle soit là. Il regarde autour de lui le cimetière. Austère, froid, sombre. En un mot comme en cent : un cimetière. « Sympa, ta ballade nocturne. On marche un peu ensemble ? »